La professeure Francine Ntoumi a fait son entrée à l’Académie mondiale des sciences (Twas), une organisation internationale autonome, fondée à Trieste, en Italie, en 1983, par un groupe de scientifiques distingués, sous la direction du Prix Nobel pakistanais, feu Abdus Salam, et lancée officiellement en 1985, par le secrétaire général des Nations unies. La scientifique congolaise fait, désormais, partie des 53 nouveaux membres élus en 2022. Professeure de biologie moléculaire, enseignante à l’Université de Tubingen, en Allemagne, et présidente de la Fondation congolaise pour la recherche médicale, Francine Ntoumi a bien voulu répondre à nos questions, pour parler de l’importance de la science et de la recherche dans le développement. Pour elle, «parler de développement, en oubliant la science, cela n’a pas de sens». Interview!

* Professeure, que représente, pour vous, cet honneur d’avoir été élue à l’Académie mondiale des sciences?
** Cela signifie une reconnaissance par les pairs du monde entier, du travail accompli. Ce n’est pas un aboutissement, c’est juste dire qu’on a fait un bon travail pendant plusieurs années. C’est le couronnement d’une carrière.

* Peut-on savoir si ce sont les recherches menées dans le domaine du paludisme qui ont fait que vous soyez élue?
** J’ai beaucoup travaillé sur le paludisme. Mais, depuis plus d’une dizaine d’années, je m’investis dans les maladies infectieuses telles que le paludisme, le V.i.h-sida, la tuberculose, les maladies diarrhéiques chez l’enfant, les maladies à potentiel épidémique. Mon outil de base, c’est la biologie moléculaire qui s’utilise sur différentes maladies infectieuses. Je pense que mon entrée à l’Académie mondiale des sciences, ce n’est pas seulement le travail de recherche, c’est aussi le rayonnement que l’on a. Ce rayonnement, c’est ce que l’ont fait, comment il impacte la vie des autres. C’est aussi mon combat pour que la recherche soit reconnue comme un pilier important du développement de la recherche en Afrique. C’est également mon engagement pour les femmes et pour les scientifiques. Tout cela fait partie du rayonnement, en utilisant le travail.

* Est-ce que cela veut dire que la science contribue au développement dans les pays en développement?
** Actuellement, on a un problème, parce que, malheureusement, la science n’est pas encore, dans nos pays, comme un pilier important de développent. Les pays s’étaient engagés à donner 2% de leurs budgets à la recherche. La plupart des pays donnent moins. Le maximum, c’est avec l’Afrique du Sud qui donne 0,8%. Tous nos pays donnent 0,2%. Au regard de ces chiffres, il est difficile que ces pays atteignent leurs objectifs. Cela montre déjà qu’il y a un problème de reconnaissance de la science comme pilier de développement. Les pays comme la Corée du Sud, Israël, les pays européens ont, tous, plus de 4 à 5 mille scientifiques par million d’habitants. C’est par là qu’on voit la force de l’investissement d’un pays dans la science et dans le futur. On voit très bien comment les pays d’Asie du Sud-Est se développent très vite, parce que le nombre de scientifiques par million d’habitants augmentent significativement.
En Afrique, on est à un nombre insignifiant, de 50 ou 100 scientifiques par million d’habitants. On a beaucoup de travail à faire. C’est un combat qui reste important. Pour moi, parler de développement, en oubliant la science, cela n’a pas de sens du tout.

* Quel message pouvez-vous adresser à l’endroit des chercheurs, surtout aux femmes chercheures?
** Il nous manque des scientifiques par million d’habitants, pour pouvoir répondre aux besoins de la science, parce que les défis sont nombreux. Aujourd’hui, on parle de changement climatique. C’est joli de le dire, c’est presque une mode. Même nos gouvernants utilisent ce mot. Mais, c’est une réalité qui veut dire, derrière, qu’il y a la science qui va trouver des solutions, pour changer notre consommation d’énergie, nos habitudes alimentaires, pour améliorer les sols, pour mieux utiliser l’existence avec la multidisplinarité des scientifiques.
Les scientifiques du monde entier doivent réfléchir, parce que les contextes sont différents au pôle Nord. Donc, on ne peut pas comparer avec ce qui se passe au Sud. Cela veut dire que tous les scientifiques devraient trouver des solutions adaptées à leurs contextes. Il ne faut pas attendre, par exemple, que ce soient les scientifiques européens qui viendront résoudre les problèmes des Congolais. C’est pourquoi nous avons besoins des scientifiques congolais par million d’habitants.

Propos recueillis par
Martin
BALOUATA-MALEKA

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